Une deuxième journée foisonnante et contrastée

Le vendredi 15 août a vu le Motocultor Festival 2025 embrayer sur sa deuxième journée avec une programmation d’une grande intensité, couvrant un spectre impressionnant de la scène extrême.

Dès 12h45, la Dave Mustage s’est ouverte avec les Français de Houle, suivis par Benighted à 14h15, qui a marqué les esprits avec un death/grind sans concession. En parallèle, la Massey Ferguscène a accueilli Vestige, puis Five the Hierophant, avant l’arrivée remarquée des New-Yorkais d’Imperial Triumphant. Sur la Suppositor Stage, les festivaliers ont pu découvrir Tanork, puis les Australiens de To The Grave et enfin Fleshgod Apocalypse, toujours aussi théâtraux. Du côté de la Bruce Dickinscène, c’est Wegferend qui a ouvert les hostilités, suivi par Belenos et l’atmosphère mystique de Wayfarer

Montée en puissance tout au long de la journée

La soirée a véritablement pris son envol avec Lacuna Coil sur la Dave Mustage (19h10), suivi par le très attendu Kerry King à 21h, dont le thrash incendiaire a attiré une foule compacte. La Massey Ferguscène a vu défiler Klone, puis Solstafir, avec son post-metal atmosphérique. La Suppositor Stage a quant à elle accueilli Fleshgod Apocalypse dans un set brutal et symphonique, suivi par Tribulation et Forbidden au cœur de la nuit. Sur la Bruce Dickinscène, les Islandais de Skalmold et les atmosphères envoûtantes d’Eivør ont transporté le public.

Nuit noire et apothéose

La deuxième partie de nuit a encore élevé le niveau d’intensité : Dimmu Borgir a investi la Dave Mustage à 23h avec son black metal symphonique monumental, suivi par Ihsahn à 00h20, dans un registre plus avant-gardiste. Enfin, c’est Carpenter Brut (01h25) qui a clôturé la nuit sur la Dave Mustage avec son electro-metal survitaminé. En parallèle, la Suppositor et la Bruce Dickinscène vibraient encore avec Finntroll et Sir Reg, offrant aux plus endurants un final riche et contrasté.


FOCUS POUR REVIVRE L’INSTANT

Fleshgod Apocalypse, Suppositor Stage (20h05)

Un choc symphonique à faire chavirer une fosse

Venus d’Italie, les maîtres du death metal symphonique Fleshgod Apocalypse ont livré un show grandiose sur la Suppositor Stage, à l’heure clé de 20h05. Fusion parfaite entre blast beats dévastateurs et envolées lyriques, leur prestation s’est distinguée par une orchestration d’une précision impressionnante, piano droit classique en appui, chœurs majestueux, et une mise en scène véritablement théâtrale.

La soirée a été sublimée par la présence de Veronica Bordacchini, dont les envolées lyriques ont saisi le public au cœur, faisant mouche d’émotion et de puissance vocale. Le quintet a en outre eu le plaisir d’accueillir un invité de choix, Julien du groupe BENIGHTED, venu prêter sa voix sur un titre marquant du set, The Fool, renforçant ce moment de communion artistique unique sur le festival. Cette collaboration a été saluée avec ferveur de la part des enthousiastes présents.

Côté tracklist, le groupe a parfaitement dosé ambiance et intensité, ouvrant avec Ode to Art (de’ Sepolcri), avant d’enchaîner sur des compos dynamiques comme I Can Never Die, Sugar, Minotaur (The Wrath of Poseidon), Pendulum, Bloodclock, The Violation.


Kerry King sur la Dave Mustage

Dans la nuit bretonne …

À 21h tapantes, la Suppositor Stage s’est embrasée sous les riffs tranchants de Kerry King, dieu vivant du thrash metal et légende indissociable de Slayer. Pour ce premier Motocultor sous son nom, le guitariste est descendu sur scène tel un monolithe du genre, entouré d’un line-up explosif : Mark Osegueda (chant, Death Angel), Phil Demmel (guitare, ex-Machine Head / Vio-lence), Kyle Sanders (basse, Hellyeah) et Paul Bostaph (batterie, ex-Slayer, Testament, Exodus).

Sans surprise, les fans inconditionnels de Slayer avaient répondu présents, massés devant la scène pour acclamer celui qu’ils considèrent encore comme l’un des ultimes gardiens du thrash. Et le set fut à la hauteur : un mélange bouillant de nouveaux titres rageurs et de classiques intemporels. Des morceaux comme Where I ReignRageResidue ou encore From Hell I Rise ont démontré que Kerry King n’avait rien perdu de sa puissance de frappe, tout en ouvrant un nouveau chapitre musical. À cela se sont ajoutés des hymnes signés Slayer RepentlessDiscipleRaining Blood et Black Magic.

Le son, d’une propreté exemplaire, a fait jaillir chaque riff comme une décharge électrique. La voix de Mark Osegueda, rugueuse et cinglante, évoquait immanquablement celle de Tom Araya, renforçant cette impression d’un Slayer réincarné, assumé, mais évolutif.

Et pourtant, ce moment n’a pas marqué la fin de la soirée. Bien au contraire, il a symbolisé le début d’une nouvelle page pour le Motocultor, un passage de flambeau. Plus qu’un simple concert, ce fut une démonstration, une célébration et un message clair : Kerry King reste l’un des architectes indétrônables du THRASH METAL.


Le crépuscule de Sólstafir, MasseyFerguscène

À 22h05, la Massey Ferguscène s’est couverte de crépuscule, Sólstafir (« rayons de soleil et/ou rais crépusculaires » en islandais, c’est au choix) a déroulé ce post-metal cinématographique dont ils ont le secret, longues montées en tension, guitares nacrées, chant à fleur de peau, silences lourds comme la brume. La scénographie sobre a laissé respirer les crescendos et cette mélancolie claire-obscure qui fait leur signature. Sur cette tournée 2025, le groupe porte les couleurs de son dernier album Hin helga kvöl , on a souvent entendu, ailleurs sur la route, des titres comme « Blakkrakki », « Sálumessa » ou « Nú mun ljósið deyja », confirmant une orientation plus contemplative et minérale. Au Motocultor, la setlist publiée (encore parcellaire au moment où l’on écrit) retient un triptyque tendu et lumineux : « Ótta », « Náttmál » et « Goddess of the Ages » trois pièces-repères majeur qui ont suffi à figer la plaine dans une écoute presque religieuse, entre souffle retenu et déferlements cathartiques. Un vrai « coucher de soleil sonore » placé au cœur de la nuit.


Un brasier symphonique signé Dimmu Borgir

La DaveMustage baigné de rouge vif

À 23h, la Dave Mustage s’embrase : nappes rouges, fumigènes épais, silhouettes hiératiques, Dimmu Borgir livre un show de feu, écrasant et cérémoniel, qui emporte la plaine dans un tourbillon de black metal symphonique. Le groupe norvégien déroule un set tendu, sans temps mort, calibré pour les grands espaces : alternance de rafales martiales, de grands thèmes mélodiques et d’accents liturgiques qui font rugir la foule jusque 00h15. L’architecture du concert, taillée pour la scène principale, confirme la stature d’icônes que conserve Dimmu en 2025.

Coté Setlist:

Puritania

Interdimensional Summit

Gateways

The Serpentine Offering

In Death’s Embrace

Grotesquery Conceiled (Within Measureless Magic)

Stormblåst

Council of Wolves and Snakes

Cataclysm Children

The Insight and the Catharsis

Sur le plan scénique, la mise en couleur dominante et les colonnes de fumée renforcent l’impression de rituel martial, la section rythmique pilonne, les claviers soulignent les cimes mélodiques, et le chant guide la masse dans une progression dramatique millimétrée. Un set « grand format » où l’on retrouve la veine moderne du groupe sans renier les racines plus tranchantes, alliance qui fait la force deu groupe en festival.


Ihsahn

À 00h20, la Massey Ferguscène s’est couverte de ténèbres : Ihsahn, figure emblématique d’Emperor, a offert au Motocultor un set aussi exigeant que fascinant. Une lumière réduite à l’extrême, une fumée lourde et une ambiance pesante ont transformé l’espace en un sanctuaire sonore. Chaque note s’est découpée comme une pièce de métal progressif forgée à froid, chaque respiration accentuant la tension dramatique d’un concert hors du temps.

La setlist reflétait parfaitement cette dualité entre modernité et héritage, entre brutalité et avant-garde

  • Titres récents (2023–2024, album Ihsahn) :
    The Promethean Spark, Pilgrimage to Oblivion, Twice Born, The Distance Between Us, A Taste of the Ambrosia.
    Ces morceaux, denses et sombres, témoignaient de la nouvelle direction artistique de l’artiste, où le progressif se mêle à une modernité plus introspective et cinématographique.
  • Titres plus anciens :
    My Heart Is of the North (Arktis, 2016), Stridig et Nord (Telemark / Pharos, 2020), Telemark (EP, 2020), Lend Me the Eyes of Millenia (Ámr, 2018).
    Ces pièces, plus froides et tranchantes, rappelaient les racines de son univers solo. Le contraste entre Nord (2020), glacial et martial, et The Distance Between Us (2024), plus moderne et introspectif, illustrait à merveille l’opposition qui nourrit sa carrière.

Ce concert avait quelque chose de particulier pour moi, écrivant cet pour Metal Décadence, j’avais déjà assisté à plusieurs shows d’Ihsahn au Hellfest, si là-bas l’artiste déploie sa musique devant une foule monumentale, le Motocultor a offert une expérience bien plus intimiste. Le public, plus resserré, s’est retrouvé happé dans une atmosphère quasi liturgique par les jeux de lumière sobres et la densité sonore.

Même les conditions photographiques, très peu de lumière, une brume omniprésente , ont renforcé ce sentiment d’immersion, rendant le show aussi difficile à capturer qu’intense à vivre. Mais c’est précisément dans cette obscurité que le charisme d’Ihsahn s’est imposé, mêlant brutalité, complexité et émotion brute.

Au final, ce passage au Motocultor s’est distingué comme un moment suspendu : plus personnel, plus habité, plus proche du public que lors des grandes messes du Hellfest. Un concert d’une intensité rare, qui confirme Ihsahn comme un artiste inclassable, toujours en mouvement, toujours capable de transformer un festival en expérience unique.