Une ouverture sous le signe de la diversité et de la puissance

La programmation complète du jour 1

Le coup d’envoi de cette édition 2025 du Motocultor a été donné dès 15h10 sur la Dave Mustage, avec le set de Dogma, tandis qu’en parallèle la Bruce Dickinscène accueillait Saqqarah. À 16h, le public pouvait choisir entre les Américains déjantés de The Callous Daoboys sur la Massey Ferguscène et les Suisses de Versatile sur la Suppositor Stage, pendant que Lazuli faisait résonner ses sonorités progressives sur la Bruce Dickinscène.

En fin d’après-midi, Helldebert a investi la Dave Mustage (16h45), avant que la soirée ne monte en intensité avec Year of No Light sur la Massey Ferguscène et Gutalax sur la Suppositor Stage à partir de 18h05. À la même heure, la Bruce Dickinscène vibrait au rythme de Me & That Man, le projet mené par Nergal de Behemoth.

La suite de la soirée a vu s’enchaîner des formations de haut vol, Tesseract a offert une performance progressive et immersive sur la Dave Mustage (18h55), suivi par les Australiens de Ne Obliviscaris (20h, Massey Ferguscène) et l’attendu Nailbomb (Suppositor Stage). En parallèle, le public de la Bruce Dickinscène s’est laissé emporter par les atmosphères folk/doom de Witchcraft.

Moment fort de la soirée, Mogwai a pris possession de la Dave Mustage à 20h55, pour un concert hypnotique avant que la nuit ne bascule dans l’intensité, Magma (22h, Massey Ferguscène) et Kataklysm (22h, Suppositor Stage) ont enflammé chacun leur scène, tandis que DIIV installait une ambiance plus planante sur la Bruce Dickinscène.

Enfin, la nuit s’est prolongée jusqu’au bout avec deux shows simultanés : I Prevail sur la Dave Mustage (23h15) et Dool sur la Massey Ferguscène (00h30), tandis que Samael venait conclure en majesté cette première journée du Motocultor 2025 sur la Suppositor Stage.

Une organisation fluide et conviviale

Pour cette première journée, l’organisation s’est révélée sans faille. L’accès aux quatre scènes est resté fluide en tout temps, permettant de circuler facilement d’un concert à l’autre. Pas de scènes thématiques au Motocultor : chacune d’elles propose une programmation généraliste tournée vers les musiques extrêmes, offrant ainsi une grande variété de styles tout au long de la journée. Le son, de manière générale, s’est avéré très bon, parfois même excellent selon les concerts.

Côté restauration, les festivaliers ont eu le choix parmi une large offre de food trucks aux tarifs variés, tandis que les bars proposaient un bel éventail de bières locales et de boissons sans alcool. L’eau, gratuite, est restée disponible en tout temps. Le Metal Market a connu une forte affluence, même si les tarifs des produits dérivés étaient jugés assez élevés, avec des goodies du festival vendus à des prix classiques pour ce type d’événement.

Les sanitaires, nombreux, ont été appréciés pour leur propreté et leur accessibilité, contribuant au confort global des festivaliers. Enfin, il faut souligner une nouvelle fois le rôle essentiel des bénévoles : présents partout sur le site, disponibles et souriants, ils ont contribué à l’ambiance conviviale et chaleureuse de cette première journée.


Focus pour revivre l’instant

Versatile envoute la Suppositor Stage

Dans le tumulte d’un Motocultor souvent dominé par l’agression frontale, Versatile, projet suisse venu de Genève, a imposé un moment à part, teinté d’un black metal industriel sculpté dans le froid. Avec une précision chirurgicale, le groupe a su captiver la scène à 16 h, sans ornement inutile : juste une tension sombre, quasi cérémonielle, parfaitement maîtrisée. Leurs riffs dissonants et martelés, soutenus par une allure visuelle inspirée des catacombes de Paris, ont agi comme une véritable claque mentale, un vortex hypnotique.

Ce set servait également de vitrine à leur premier album, Les Litanies du Vide, sorti deux mois plus tôt (avril 2025), sur le label français Les Acteurs de l’Ombre Productions. Après leur passage sur scène, le groupe est descendu à la rencontre des fans lors d’une séance de dédicaces sur le stand du label, de 17h30 à 18h30, témoignant d’un échange rare et précieux entre la noirceur extrême et la proximité chaleureuse des artistes.

Aldebert sur la Dave Mustage

Sur la Dave Mustage, Aldebert a offert un concert aussi surprenant que festif. Loin de son image habituelle de chanteur “jeunesse”, il a su capter l’attention d’un public venu nombreux et, surtout, visiblement ravi de participer au jeu. Moment fort du set : la participation de Max Cavalera, figure mythique de Sepultura et Nailbomb, qui est venu partager un titre avec lui pour un instant totalement improbable et jouissif. Cette rencontre décalée entre chanson française et metal rugueux restera l’une des images marquantes de cette première journée.

Gutalax a sa place sur la Suppositor Stage

Un peu plus tard, place au chaos bon enfant avec les Tchèques de Gutalax, maîtres du grindcore absurde. Leur show sur la Suppositor Stage a rapidement viré au délire collectif, porté par une mise en scène hilarante : rouleaux de papier toilette projetés dans la foule, ambiance carnavalesque et circle pits improvisés. Fidèle à sa réputation, le groupe a transformé la fosse en défouloir géant, où humour potache et énergie brute ont fusionné le temps d’un concert inoubliable.

Me and That Man performe sur la Bruce Dickinscène

Sur la Bruce Dickinscène, Me and That Man a offert l’un des instants les plus singuliers de cette première journée du Motocultor. Adam “Nergal” Darski (Behemoth), vêtu d’un large chapeau de cow-boy et de lunettes noires, s’est présenté comme un prêcheur bluesy au milieu d’une troupe de musiciens tout aussi habités. Ici, pas de black METAL, mais un dark blues rond, sombre et hypnotique, où chaque morceau sonnait comme un rituel nocturne.

La setlist a confirmé cette ambiance à la fois roots et mystique : ouverture avec Run With the Devil et l’incontournable My Church Is Black, suivies d’un enchaînement de titres chargés de poussière et de noirceur comme Nightride, On the Road et Get Outta This Place. Fidèle à son goût pour l’irrévérence, Nergal a proposé une relecture habitée du Black Metal de Venom, avant d’embraser la foule avec Burning Churches. Le public a également eu droit à des inédits (Got Your Tongue, un nouveau morceau encore non identifié) et à des hommages marquants : White Faces de Roky Erickson, et un Paranoid de Black Sabbath réinventé sous un prisme bluesy et sombre.

Le concert s’est achevé dans un climat quasi cérémoniel, avec des titres tels que Coming Home, Love & Death, et l’inévitable Blues & Cocaine, qui a résonné comme une conclusion en forme de confession crépusculaire. Entre élégance noire et rage contenue, Me and That Man a littéralement suspendu le temps : une performance subtile, en clair-obscur, qui contrastait avec la violence ambiante du festival, mais qui a marqué les esprits par sa profondeur et sa singularité.

Nailbomb explose la Suppositor Stage

Parmi les moments forts et inattendus de cette première journée du Motocultor 2025, la Suppositor Stage a vibré sous le retour fracassant de Nailbomb. Projet culte né au milieu des années 90, initié par Max Cavalera (ex-Sepultura, Soulfly, Cavalera Conspiracy) et Alex Newport, Nailbomb n’a produit qu’un seul album studio, Point Blank (1994), devenu rapidement une référence underground. Brut, industriel, rageur, il dénonçait déjà avec force les dérives sectaires de la société et la perte de valeurs.

Trente ans plus tard, ce retour sur scène s’est imposé comme un choc. Certes, le son est apparu parfois trop aigu et trop électronique, manquant un peu de densité, mais la puissance émotionnelle et visuelle du show a largement compensé. Les images projetées, crues et provocatrices, faisaient directement écho à l’iconique pochette de Point Blank – cette jeune Vietnamienne menacée par un pistolet – rappelant à quel point Nailbomb s’inscrit dans une démarche de dénonciation frontale, brutale, percutante.

Sur scène, Max Cavalera et son fils Igor Amadeus ont conduit un set viscéral qui a frappé aussi bien les nostalgiques des années 90 que les jeunes générations découvrant ce projet culte. Nailbomb a ainsi prouvé que sa rage et son discours n’avaient rien perdu de leur pertinence. Un retour qui, au-delà de l’effet de surprise, restera comme l’un des instants les plus puissants et marquants de ce jeudi 14 août au Motocultor.

Kataklysm, du rouge sombre sur la Suppositor Stage

Le death metal québécois a trouvé un porte-étendard de choix ce jeudi 14 août, avec le passage sur la Suppositor Stage de Kataklysm, formation emblématique active depuis plus de 30 ans. Fidèle à sa réputation, le groupe a livré un set massif, sans artifice, construit sur une maîtrise technique redoutable et un son d’une précision chirurgicale.

Dès les premières notes de The Ambassador of Pain, la fosse s’est embrasée, happée par un mur de guitares et une section rythmique implacable. Le concert s’est ensuite déployé comme une fresque de l’histoire du groupe, des titres récents comme At the Edge of the World, Goliath ou The Killshot, jusqu’aux classiques incontournables comme As I Slither, Crippled & Broken et The Black Sheep, repris en chœur par un public en transe.

Entre deux morceaux, la complicité s’est installée, Maurizio Iacono, charismatique frontman, n’a pas manqué d’interpeller la foule avec son accent québécois chaleureux. Le fameux « Allez les Français ! » a provoqué une réaction immédiate et vibrante dans le public, brisant la barrière scène-fosse pour transformer ce set en véritable rencontre humaine. Plus qu’une simple performance, Kataklysm a incarné un pont entre nos deux cultures, l’énergie brute de Montréal et l’accueil enthousiaste du public français.

En fin de set, des morceaux comme Push the Venom, Bringer of Vengeance ou Combustion ont achevé d’installer une intensité inébranlable, offrant un concert à la fois brutal et fédérateur. Kataklysm, fidèle à son héritage et à son style, a prouvé une nouvelle fois qu’il n’a pas besoin d’artifices pour captiver : juste l’essentiel, la sincérité et la puissance.

I Prevail sur la Dave Mustage

Pour conclure cette première journée du Motocultor 2025, la Dave Mustage a tremblé sous l’assaut des Américains de I Prevail. Le groupe, fer de lance de la scène metalcore moderne, a livré un set incandescent, calibré pour retourner une fosse déjà chauffée à blanc.

Les breakdowns massifs ont fait naître des moshpits furieux, tandis que les refrains repris à pleins poumons par la foule, transformaient chaque morceau en véritable hymne collectif. Les lights spectaculaires, synchronisées avec la violence maîtrisée de la musique, ont accentué cette impression d’être pris dans une tempête sonore et visuelle.

Le duo vocal, alternant rage gutturale et lignes mélodiques, a transcendé l’expérience live. Des titres phares comme “Bad Things”, “Bow Down”, “Hurricane” ou encore “Breaking Down” ont résonné comme des décharges d’adrénaline, entraînant la foule dans une montagne russe d’émotions, entre chaos et catharsis.

En clôture de cette première journée, I Prevail a offert un concert d’une intensité rare, fédérant une nouvelle génération de fans autour d’une énergie brute et d’une sincérité palpable. Une fin de soirée mémorable, qui a laissé le public à la fois épuisé et euphorique, prêt à replonger dès le lendemain dans la suite du festival.

Le rituel de Samael sur la Suppositor Stage

Pour cette première journée du Motocultor 2025, la Suppositor Stage a accueilli l’un des groupes les plus attendus, Samael. Formé à la fin des années 80 en Suisse, le groupe reste une figure incontournable de la scène extrême européenne, pionnier d’un METALà la croisée du black et de l’industriel. Dès leur montée sur scène, l’aura du groupe a immédiatement enveloppé le public, riffs acérés, nappes électroniques obsédantes et la voix caverneuse de Vorph ont plongé la fosse dans un univers aussi mystique qu’implacable.

Plus de trois décennies après leurs débuts, Samael conserve cette capacité unique à allier brutalité et atmosphères hypnotiques. Leur musique, qui a marqué toute une génération par son avant-gardisme, continue d’imposer une force singulière en festival. Au Motocultor, le contraste entre la rigueur martiale des rythmiques et les envolées électroniques a fonctionné à merveille, tenant la foule en haleine du début à la fin.

Le concert a pourtant connu un moment inattendu, Drop, guitariste du groupe, a fait une chute spectaculaire en plein set. Plus de peur que de mal heureusement, il s’est relevé sous les applaudissements, cet incident a paradoxalement ajouté à l’intensité du concert. Cet imprévu a renforcé l’impression d’un chaos contrôlé, typique de Samael, où la brutalité sonore laisse toujours une place à l’imprévisible.

Dans la fosse, le public a répondu présent avec ferveur. headbangs et ovations ont rythmé chaque morceau, scellant l’alchimie entre le groupe et ses fans. Samael a rappelé, s’il le fallait encore, pourquoi il reste une valeur sûre du metal extrême, puissant, habité, fédérateur. Leur prestation a marqué cette première journée du Motocultor comme l’un des moments forts, laissant dans les mémoires autant de frissons que de sourires.